Crise de civilisation
Par Jacques Languirant - Radio Canada.
"Nous sommes comme les passagers du Titanic qui dansaient au son de l’orchestre au moment où le paquebot heurtait la banquise."
Bill Moyers La crise que nous traversons est globale: la détérioration de l’environnement, par exemple selon les chercheurs international du pôle nord et leur carottage des glaces polaires la teneur en Gaz carbonique de l’atmosphère a augmenté de 30 %, ce qui est énorme ; en l’espace de seulement 200 ans mais aussi ; la rareté de l’eau potable; le fait que la banquise ai fondu de 20 % en trente ans, la déforestation; la désertification; la pauvreté chronique et la faim dans de vastes régions du monde; les problèmes sociaux soulevés par la violence urbaine; le terrorisme; la drogue; l’instabilité économique à l’échelle mondiale, provoquée par l’endettement; la menace nucléaire, l'explosion démographique, etc.
La liste est accablante et son toutes dues à l’agitation stérile des hommes.
On peut envisager la situation sous bien des angles: politique, économique, etc.
Ils sont d’ailleurs tous interreliés.
Mais c’est sous l’angle humain que je veux l’aborder, à partir de l’effet de cette situation sur les individus. de la résistance au changement À tous les niveaux, on observe une paralysie du système.
La gestion l’emporte sur la vision.
Le court terme sur le moyen et le long terme.
Les grandes idéologies, qui se sont écroulées, ne permettent plus de redéfinir la société.
L’économie apparaît comme le seul projet organisateur, mais avec la menace que le mythe de l’expansion fait peser sur l’environnement...
Tout se passe comme si le système lui-même était en inhibition d’action.
Cette impuissance paraît découler, dans les mentalités, de la peur du changement et, curieusement, de l’espoir...
La peur Dans toutes les situations instables, le sentiment d’insécurité éveille une réaction de peur qui se traduit par un repli sur les habitudes.
On cherche à consolider les acquis, comme en témoignent, par exemple, les attitudes, les comportements inspirés par le corporatisme.
La peur considérée comme un obstacle au changement est un concept qui paraît aller de soi.
Il faut pourtant une analyse psycho-logique en profondeur pour comprendre jusqu’à quel point nous avons peur du lendemain.
Peur de manquer de tout, de mourir de faim!
Oui, à ce point...
C’est ce que l’on trouve au cœur de la peur, le noyau qui se situe au centre de la peur, dur comme le roc, difficile à identifier et plus difficile encore à pulvériser.
C’est d’ailleurs le noyau de cette peur viscérale qui commande dans l’ombre la plupart de nos attitudes, de nos comportements.
Au point que dans toutes les démocraties, acquises au nom de la liberté – car tel était l’objet de toutes les grandes révolutions – le besoin de sécurité a fini par supplanter celui de la liberté.
Les prolétaires au fond d’eux-mêmes ont toujours voulu vivre comme des bourgeois.
Le progrès paraît se trouver dans le confort, la sécurité.
Tout le système socio-économique repose sur la sécurité: les assurances de toutes sortes, les régimes de retraite...
J’en parle avec facilité, car je n’y échappe pas, bien que je combatte en moi autant que je le peux, mais sans grand succès, cette tendance trop humaine commandée par la peur de l’avenir, que renforce notre sociale-démocratie essentiellement bourgeoise.
Dans les premières années de la vie, c’est l’étranger, ce qui est étrange, qui commande la peur.
Avec les années, le conditionnement socio-culturel aidant, la peur de l’étranger, de ce qui est étrange, tend à se généraliser pour devenir la peur de l’inconnu, du vide qui s’ouvre devant nous, de l’avenir.
Cette peur viscérale, Sénèque la dénonçait déjà lorsqu’il faisait remarquer que les humains amassaient des biens, des provisions pour l’avenir, selon sa formule, au point que certains d’entre eux – il dirait aujourd’hui un très grand nombre – finissent par se retrouver avec plus de provisions pour l’avenir qu’ils n’ont d’avenir...
Chaque fois que, dans mes conférences, j’ai évoqué cette réflexion de Sénèque, j’ai toujours obtenu de la part de l’auditoire un silence... de mort.
C’est cette peur qui empêche de lâcher prise, de céder un peu de place aux autres, aux jeunes en particulier, pour retenir tous les avantages acquis même s’ils sont injustes par rapport à la situation d’ensemble, car il suffit qu’ils aient été acquis pour qu’on les considère comme légitimes, et pour qu’on repousse la perspective du changement.
C’est aussi cette peur qui inspire les stratégies guerrières, en général, et les systèmes de défense collectif et individuel.
La première étape de la démarche de purification consiste à voir cette peur, à la reconnaître en soi, à la regarder en face, pour ensuite entreprendre de pulvériser le dur noyau de la peur viscérale...
Mais d’après ce que j’ai pu observer, en moi comme à l’extérieur, il s’agit ici d’une entreprise considérable.
Commençons donc par voir cette peur en nous afin de devenir plus conscients de la résistance au changement qu’elle entretient.
L’espoir représente aussi un obstacle dans la mesure où il suggère que la situation va s’arranger d’elle-même, éventuellement; qu’il n’est pas besoin de changer les habitudes, de penser et d’agir.
L’espoir considéré comme un obstacle au changement représente un concept pour le moins troublant.
Le mot espoir éveille le plus souvent... l’espoir, un sentiment positif.
En revanche, la peur considérée comme un obstacle au changement paraît aller de soi, l’idée que l’on se fait de l’espoir s’oppose à ce qu’on le considère aussi comme tel.
On suggère alors qu’il s’agit plutôt d’un faux espoir, mais c’est ne pas saisir en quoi l’espoir représente précisément un obstacle.
Qu’il soit fondé ou non, qu’il se réalise ou non, peu importe.
L’espoir est un obstacle en ce qu’il reporte la solution à plus tard et qu’il suggère que la solution se trouve à l’extérieur, qu’elle ne dépend pas de nous...
Ce qui revient à justifier notre impuissance, à la renforcer.
L’avenir se trouve, en effet, à l’extérieur de nous; il fait appel à un ailleurs mythique dans le temps.
L’espoir de gagner à la loterie, par exemple, se trouve à l’extérieur.
C’est en quoi du reste la loterie est immorale, en ce qu’elle dérobe le présent.
J’attends de l’extérieur, de l’avenir, la solution au lieu de m’employer à créer de nouvelles conditions, ici et maintenant.
C’est en quoi, précisément, l’espoir est un obstacle.
Ce concept, je le précise, n’est pas de moi.
Il a été défini ces dernières années par des futurologues qui en sont venus à la conviction que l’espoir est un obstacle parce qu’il incite à reporter à demain ce que l’on devrait faire aujourd’hui.
L’éducation, qui permet de remettre à plus tard la résolution de tous les problèmes, est sans doute le lieu où l’on investit le plus volontiers, ces années-ci, l’espoir.
Dès que l’on se heurte à une difficulté qui paraît insoluble, difficile à contourner sans faire un effort, sans changer ses habitudes ou perdre ses acquis, on se dit que la solution se trouve dans l’éducation.
Pour résoudre toutes les questions soulevées par la crise de l’environnement ou de l’endettement, l’éducation est la réponse.
Pour la faim dans le monde, encore l’éducation.
Pour la paix de même.
Toujours l’éducation...
On finit donc par hypothéquer l’avenir, par reporter à plus tard la solution des problèmes, qui auront pris alors des proportions alarmantes.
On fait porter la responsabilité de ses choix à ses enfants et à ses petits-enfants, sous prétexte qu’ils seront mieux éduqués, donc plus en mesure de refaire le monde. Hypocrisie!
La génération du baby-boom, qui occupe de nos jours la plus grande partie de l’espace social, est celle dont le niveau d’instruction (l’éducation au sens large) est le plus élevé de toute l’histoire de l’humanité.
Nous sommes donc, ici et maintenant, suffisamment formés et informés pour résoudre les problèmes auxquels nous devons faire face.
Cessons de nous en remettre à l’espoir que-ça-finira-bien-par-s’arranger et, surtout, d’investir cet espoir hypocrite dans l’éducation des autres, leur faisant ainsi porter le poids de nos responsabilités.
En somme, cessons d’afficher notre espoir plutôt que notre détermination.
C’est dans les mentalités que l’on rencontre le plus de résistance au changement.
Émile Durkheim Le concept qui me paraît le mieux cerner la crise actuelle est celui de l’anomie, défini au début du siècle par Émile Durkheim, créateur de l’École française de sociologie.
Durkheim avait observé l’incapacité où se trouvait déjà la société d’intégrer les individus.
L’intégration sociale est le processus par lequel un individu fait sienne les normes culturelles prévalant dans une société ou un groupe.
Cette incapacité, précisait-il, est provoquée par l’affaiblissement de la conscience collective...
Ce qui revient à dire que l’anomie sociale résulte de la confusion des valeurs.
Dans une société anomique, les individus se considèrent comme séparés de la collectivité, isolés.
Ils vivent dans l’incertitude, éprouvant même une forme de lassitude, voire de désespérance.
Des sociologues ont même développé le concept de l’anomie jusqu’à parler de "démoralisation sociale".
À la perte de cohésion sociale et aux difficultés socio-économiques associées à l’anomie correspond toujours, faisait remarquer Durkheim, une augmentation du nombre d’infarctus, du taux de délinquance et d’emprisonnement, de même que du taux de suicide.
Or, depuis l’époque où Durkheim a forgé le terme anomie, la situation paraît s’être détériorée – particulièrement au cours des dernières décennies – comme en témoigne la vision que l’on a de l’avenir.
Il y a trente ans, lors de l’Expo 67 à Montréal, les artistes qui imaginaient l’avenir étaient encore enclins à nous en proposer des images futuristes où la technologie et l’humanisme s’épanouissaient l’un par l’autre.
Mais voici quelques années, des artistes invités à leur tour à imaginer l’avenir en ont presque tous proposé des images d’hécatombes, de ruines, de dépotoirs...
"L’art est information", disait Marshall McLuhan. Émile Durkheim (1858-1917) Père de la sociologie française et chef de l'école des durkheimiens.
Il a imposé la sociologie comme une science autonome et positive, apte à guérir les sociétés malades et à reconnaître leurs maux par la compréhension objective des phénomènes.
L'aspect réformateur de sa démarche et la méthodologie qu'il a élaborée donnent à la sociologie une plate-forme, un nouveau visage dont s'est imprégné la communauté scientifique.
OEUVRE De la division du travail social (1893).
Les Règles de la méthode sociologique (1895).
Le Suicide, étude de sociologie (1897). Éducation et sociologie (1922).
Les Formes élémentaires de la vie religieuse (1925).
Pour la suite du monde La tendance anomique peut-elle être renversée?
C’est là la question... Les facteurs qui déterminent cette tendance peuvent-ils être neutralisés?
Si la situation à l’échelle planétaire se détériore, on observe pourtant l’émergence de divers mouvements politiques et sociaux (par exemple, les mouvements pour la démocratie, la paix dans le monde, la justice sociale) dont l’action de plus en plus planifiée et concertée permet de penser que nous assistons peut-être à l’amorce d’un redressement.
Par ailleurs, on constate que la conscience écologique s’étend de plus en plus en même temps que s’affirme davantage l’influence positive des femmes...
Les groupes d’entraide sont aussi plus nombreux, ce qui donne à penser que la société se prend davantage en charge.
Ce courant, qui témoigne de la capacité que nous avons d’inventer de nouvelles stratégies, demeure cependant un phénomène encore marginal.
Projet de civilisation Une action visant à contrer la résistance au changement peut être envisagée sur deux plans:
Celui de la société Que la société se donne un projet.
La formule est dans l’air.
Mais pour concevoir un tel projet et le mener à bien, il faut des acteurs sociaux éclairés et capables d’agir plutôt que de réagir.
Un projet de société suppose en effet une interaction entre des acteurs sociaux conscients, qui se traduise par des actions concrètes.
Celui de l’individu C’est d’abord et avant tout, selon moi, à son propre niveau que chacun doit intervenir, pour lever l’obstacle que représente les mentalités.
En définitive, tout dépend de la qualité de l’individu, de quelques individus – d’où le modèle du guerrier.
Une méthode est nécessaire : la prospective, peut-être? "Il faut juger ce qu’aujourd’hui nous sommes, à partir de l’avenir, au lieu de faire la démarche inverse, qui est la démarche courante et qui consiste à décider de l’avenir d’après ce que nous sommes actuellement."BERGER, Gaston
Je voudrais simplement souligner ici qu’il n’y a pas de projets de société, de démarches collectives, de mouvements révolutionnaires ou même évolutionnaires qui n’aient été amorcés par quelques individus, parfois même un seul.
Les projets, les démarches, les mouvements sont tous nés de l’inconscience ou de la conscience d’une minorité d’acteurs sociaux.
De l’inconscience, si on pense à certains mouvements de masse où l’individu perd son identité, au service de causes (souvent historiques) déplorables, comme celles qui sont inspirées par l’intégrisme, etc.
De la conscience si on pense à certaines démarches collectives pour des causes justes...
On voit bien la difficulté de définir ce mot dont le sens dépend très souvent de ce que l’on est de tel côté de la barricade plutôt que de l’autre.
Mais ce n’est pas ici le lieu de débattre de cette dimension de toute action pas plus que de l’usage de moyens considérés comme injustes (par qui?) pour servir des causes considérées comme justes (encore une fois, par qui?).
Mon propos concerne la crise de la civilisation et la nécessité de trouver des solutions aux problèmes auxquels nous nous heurtons.
Pour ce faire, nous devons trouver des acteurs sociaux qui s’attellent à la tâche.
Mais l’opposition entre l’inconscience ou la conscience qui, selon le cas, inspirent les projets – de même que celle entre les causes justes ou non, et entre les moyens justes ou non – fait nettement ressortir la nécessité pour ces acteurs sociaux, pour ces nouveaux guerriers, de poursuivre parallèlement à leur action une démarche psychospirituelle.
Seule une telle démarche peut permettre à ces guerriers de se libérer (relativement) de leurs motivations obscures, de devenir aussi transparents que possible à eux-mêmes, et d’adopter des attitudes et des comportements adultes.
Je me rends bien compte de la difficulté dans laquelle on se trouve très souvent dans l’action, difficulté qui consiste à ne pas, pour une cause juste, se salir les mains – pour paraphraser le titre d’une pièce de Jean-Paul Sartre qui porte précisément sur cette difficulté.
Je ne pense pas souffrir d’angélisme...
À un moment ou l’autre, tout acteur social, tout guerrier devra résoudre cette énigme... dans le fond de son cœur.
L’éthique se traduit par des choix individuels – toujours – et le sens de l’éthique ne peut se développer que chez des individus conscients.
De là vient la nécessité, encore une fois, du travail sur soi et l’importance d’identifier des modèles pour étayer sa démarche.
De là vient, enfin, le modèle du guerrier. un pour cent fait la différence C’est Margaret Mead qui, à ma connaissance, a été la première parmi les chercheurs des sciences humaines à soutenir qu’il suffit qu’un pour cent de la population adopte un nouveau comportement pour que s’amorce un effet d’entraînement.
Cette constatation représentait en fait une application à sa discipline, l’anthropologie, d’une loi de l’évolution en biologie, qui a trouvé récemment une confirmation éclatante.
Les techniques de la biologie moléculaire moderne permettant de comparer directement les protéines d’un petit échantillon de sang ou de tissu d’un animal avec celles d’un échantillon prélevé sur un membre d’une autre espèce, il a été démontré que moins de deux pour cent ***de notre matériel génétique, l’ADN, diffère de celui d’un gorille ou d’un chimpanzé pris au hasard.
Si on le compare à celui d’un chimpanzé pygmée, on peut dire en arrondissant les chiffres que seulement un pour cent de notre ADN est humain.
Nous sommes donc, à 99 pour cent, des singes... ***"99 pour 100 des acides aminés qui composent une protéine humaine moyenne sont identiques à ceux de la protéine du chimpanzé... entre les acides nucléiques de l’ADN humain et ceux de l’ADN du chimpanzé, il y a une différence d’environ 1,1 pour 100."
Mary-Claire King et A.C. Wilson, Science, 1er avril 1975.
Voir aussi le remarquable ouvrage de vulgarisation de John et Mary Gribbin, Un pour cent fait la différence (éd. Robert Laffont). (Incidemment, le singe pygmée, qui est l’être vivant le plus proche de nos ancêtres immédiats, se trouve aujourd’hui sur la liste des espèces menacées d’extinction...
Nous n’avons décidément aucun respect pour les anciens!)***
Qui osera dire maintenant qu’un pour cent ne peut pas faire la différence?!
Il en va de même de la conscience collective.
Quant à moi, je sais m’adresser surtout à des acteurs sociaux qui se recrutent parmi un pour cent (à trois pour cent) de la population: leaders d’opinion, agents de changement, entrepreneurs, cadres d’entreprises, commis de l’État et intervenants dans divers domaines (tels que l’éducation, l’enseignement, la santé...) qui remplissent une fonction d’encadrement et jouent un rôle actif dans la société.
La solution de la crise se trouve donc dans la démarche d’une minorité agissante composée d’individus conscients qui poursuivent un travail sur eux-mêmes; et qui, à une étape de leur évolution personnelle, s’engage au plan social.
Ce que je préconise, en somme, peut se ramener à la formule suivante: la réforme du monde par la réforme de la vie personnelle.
Tel est le programme du guerrier la prospective "Certaines personnes voient les choses comme elles sont et disent:
Pourquoi?
D’autres rêves de choses qui n’ont jamais été et disent: Pourquoi pas?" George Bernard Shaw
La prospective est une méthode conçue par Gaston Berger, qui consiste à "construire le présent à partir du futur, au lieu de le considérer comme une sécrétion du passé"; une méthode qui s’emploie donc à transformer le présent, en fonction d’une vision de l’avenir; qui suppose un effort d’imagination créatrice et de réflexion sur le possible, afin de vaincre la résistance, de surmonter et la peur et... l’espoir.
Nous pouvons influencer les vecteurs de l’évolution. "L’homme actif ne peut plus se contenter de la tradition, des informations venues du présent et de sa propre expérience." C’est ce constat qui devait inspirer à Gaston Berger le concept de prospective.
Ce qui représente un retournement notable de l’attitude traditionnelle.
Car nous sommes aujourd’hui dans l’impossibilité de trouver nos modèles de fonctionnement dans le passé ou même dans le présent qui, en fait, est déjà le passé.
L’accélération de l’évolution et la complexité de nos systèmes nous obligent désormais à forger des modèles de pensée inédits.
Le plus souvent dans les conditions actuelles, nous ne pouvons que réagir, en nous adaptant par la soumission, aux situations qui nous sont imposées.
La vie moderne, qui a supprimé la durée, ne nous permet plus de prévoir à long terme.
Ce qui se traduit par une gestion à court terme en fonction de modèles qui sont toujours dépassés.
Car la rotation rapide des modèles, l’accélération de l’usure, l’obsolescence font que le neuf est déjà vieux.
Parviendrons-nous jamais à planifier le temps?
Pour agir – par rapport à réagir – il nous faut donc dépasser le dérisoire exercice de rattrapage auquel nous nous livrons, qui en fait nous maintient dans le passé, et trouver la force de nous projeter dans le futur.
Telle est la démarche que suggère la prospective.
La prospective, au départ, propose simplement d’imaginer le futur et de transformer le présent en fonction de cette vision.
Mais il est évident, par ailleurs, que la vision du futur va évoluer et qu’il faudra redéfinir sans cesse les stratégies dans le présent.
C’est une sorte d’attitude, un entraînement à la vision.
Mais la prospective est aussi une morale dans la mesure où elle tient nécessairement compte de la dimension humaine.
Gaston Berger donnait l’exemple suivant: "Imaginez un monsieur qui veut monter un hôtel et qui souhaite, bien entendu, réussir pleinement son opération; il apprend que des plans d'urbanisme prévoient, pour dans trois ans et en un lieu donné, le passage d’une autoroute, et l’installation d’un nœud routier de raccordement.
Il se dit qu’il va construire son hôtel à cet emplacement.
Ce monsieur fait de la futurologie sans le savoir.
Si, au contraire, ce monsieur, après avoir choisi de construire à proximité du nœud routier, décide de bâtir son hôtel un kilomètre à l’écart de la voie de passage la plus fréquentée, pour que ses clients bénéficient du calme – alors, il fait de la prospective.
Parce qu’il a introduit une valeur humaine dans l’idée pratique de futurologie.
" BERGER, Gaston Prospective, IN "La philosophie" (éd. Retz, coll. "Les idées, les œuvres, les hommes").
Il y a, d’une part, ceux qui attendent les solutions de l’extérieur, qui se trouvent condamnés à réagir aux événements; et, d’autre part, ceux qui croient à la nécessité d’agir et qui créent les conditions d’une nouvelle réalité.
Il s’agit de savoir si nous allons continuer de nous adapter par la soumission ou si nous allons parvenir à nous adapter par l’action.
La prospective est la science de l’action.
L'alternative Une étude faite en Amérique a déjà démontré qu'environ 10% des abeilles meurent empoisonnées par les insecticides utilisés dans l'agriculture industrielle, et que, jusqu'ici, 30% des ruchers ont été touchés.
Dans l'écosystème dont nous dépendons, cela constitue une menace pour la vie végétale, puisque les abeilles sont un des agents actifs de la pollinisation, qui consiste à transporter du pollen de l'étamine sur le stigmate, opération nécessaire à la fécondation de la plante.
Car les abeilles sont encore plus importantes pour nous comme agents de pollinisation que comme producteurs de miel.
L'alternative se trouve, ici, dans l'effort qui est fait pour découvrir et appliquer des techniques de contrôle des populations d'insectes nuisibles pour les récoltes, qui ne soient pas une menace pour les abeilles dont la fonction est essentielle à notre propre survie : il existe certaines méthodes, mais qui ne sont pas encore au point, comme, par exemple, celle qui consiste à intervenir au niveau génétique de façon à réduire la reproduction des espèces nuisibles, ou encore, celle qui consiste en l'émission de fréquences sonores qui brouillent les signaux chez ces insectes au moment de la reproduction.
Un échantillonnage d'adolescents, en Amérique, a fait l'objet d'une étude sur la forme physique et psychologique, étude qui comportait une projection dans l'avenir : compte tenu des habitudes alimentaires, les adolescents étant de grands consommateurs d'aliments-friandises (junk food), de la consommation d'alcool qui commence très tôt chez les jeunes (dont certains deviennent même alcooliques avant d'atteindre l'âge de la majorité), de même que de l'habitude de fumer, et du manque d'exercice, les chercheurs sont parvenus à la conclusion qu'à l'âge de 40 ans, l'organisme de ces jeunes sera dans un état comparable à celui de vieillards de 70 ans.
L'alternative consiste, ici, par exemple, à trouver une solution au problème des aliments-friandises.
Il y a, à ce sujet, deux écoles : en interdire la publicité dans les média, et/ou les remplacer par des aliments vraiment nourrissants déguisés, si je puis dire, en friandises, par la fabrication, par exemple des croustilles (chips) faites de grains entiers.
Dans une institution d'enseignement, une expérience a été faite qui démontre l'importance d'une alimentation saine : les aliments-friandises ont été supprimés et remplacés par des aliments nourrissants et un groupe de jeunes, avec l'accord de leurs parents, ont accepté d'étendre l'expérience en dehors de l'école : les résultats scolaires sont aussitôt devenus meilleurs.
Pour ce qui est du manque d'exercice, l'alternative consiste sans doute à rendre l'exercice physique obligatoire au moins deux heures par jour dans toutes les institutions d'enseignement, comportant aussi certains travaux manuels, les jeunes étant de plus en plus coupés du contact avec l'outil : coupés, pour ainsi dire, de leurs mains dont le développement a été un des facteurs déterminants du développement du cerveau - car il existe un rapport étroit entre les mains et la conscience.
Un autre exemple de la nécessité de l'alternative, du besoin de nouveaux modèles de vie, individuels et collectifs : nous avons de plus en plus besoin d'énergie.
Certains spécialistes croient encore que le nucléaire est la seule façon de satisfaire nos besoins, qui sont, il faut bien le dire, de plus en plus considérables.
Mais il se trouve que les centrales nucléaires produisent aussi des déchets radioactifs.
Ces déchets ne sont pas le seul risque que comportent les centrales nucléaires, mais il nous fournissent peut-être l'exemple le plus frappant des limites de notre technlogie : nous ne savons pas nous débarrasser de ces déchets.
Jusqu'ici, nous n'avons trouvé aucun moyen qui soit tout à fait satisfaisant.
Il n'existe aucun moyen de rendre ces déchets inoffensifs.
Les surrégénérateurs sont ainsi nommés parce que fonctionnant au plutonium, ils en fabriquent plus qu'ils n'en consomment.
Le plutonium n'existe pas dans la nature. Il lui faut près de 25,000 ans pour perdre seulement la moitié de sa radioactivité.
Et dans les 25,000 ans suivants, il ne perd encore que la moitié de la moitié restante.
Et ainsi de suite...
Le plutonium que nous fabriquons aujourd'hui dans nos centrales, que nous allons sans doute fabriquer en quantité de plus en plus grande, et que nous laisserons peut-être un jour s'échapper, SERA ENCORE MORTEL DANS MILLE SIECLES.
L'alternative, ici, consiste sans doute à trouver une façon d'utiliser l'énergie nucléaire qui ne comporte pas un risque aussi absurde, ou de faire appel à de nouvelles sources d'énergie, à ce qu'on appelle, en particulier, la technologie douce : le vent, l'eau et, surtout, le soleil - qui sont des sources renouvelables.
Ce qui ne suffira pas à la demande croissante d'énergie.
Nous devons donc aussi inventer un type de société qui soit moins énergivore.
Nous n'avons pas le choix : nous aurons épuisé les sources d'énergie actuelles d'ici peu.
Il n’y a pas d’alternative à l’alternative
L'alternative, c'est la recherche de nouveaux modèles de vie, individuels ou collectifs, ce qui suppose une redéfinition des valeurs - à quoi on attache de l'importance dans la vie.
Je prends le mot alternative dans le sens le plus large.
Je regrette, du reste, qu'il soit parfois associé à une certaine forme de marginalité.
Car notre civilisation traverse une crise.
Et nous avons besoin de nouveaux modèles dans tous les domaines de l'activité humaine : dans la vie à deux et familiale; dans la façon de s'alimenter; de vivre en ville; dans l'énergie pour nos moteurs; dans la façon de nous chauffer, de nous amuser, de nous gouverner; dans la façon d'évaluer le fonctionnement du système socio-politique; et même, pour chacun d'entre nous, dans la façon de vivre avec soi et d'envisager ses rapports avec le cosmos.
Nous n'avons pas le choix.
Il n'est pas question de choisir entre le statu quo et l'alternative.
Autrefois, à certaines époques, la vie a pu continuer dans le sens où elle s'était engagée depuis un certain temps : le lendemain était à peu près la suite de la veille.
La recherche de nouveaux modèles de vie était moins impérieuse.
Mais, aujourd'hui, la situation dans laquelle nous sommes est différente.
Elle est même sans précédent - pour autant qu'on sache.
Non seulement notre espèce est menacée d'extinction, mais aussi toute forme de vie sur cette planète.
Il n'est absolument pas question de poursuivre dans le sens où nous nous sommes engagés, parce que dans quelques années, l'air sera devenu toxique, l'eau sera polluée, les ressources seront épuisées : dans vingt ans, il n'y aura plus de papier; dans trente ans, il n'y aura plus de pétrole.
L'alternative est devenue, sans qu'on s'en rende compte, ce qu'il y a de plus important dans nos vies : la recherche de nouvelles façons de vivre, individuelles et collectives.
Dans les années qui viennent, dans tous les secteurs d'activité, nous serons de plus en plus engagés dans la recherche de nouveaux modèles.
Il ne s'agira plus d'un phénomène marginal : c'est toute la société qui sera, dans un proche avenir, engagée dans l'alternative.
Qu'on le veuille ou non.
Les jeunes qui ne débouchent pas sur le marché du travail tel que nous le définissons aujourd'hui et qui n'y déboucheront sans doute jamais, se retrouvent, malgré eux, dans l'alternative, à la recherche de nouveaux modèles.
Et avec eux, vous et moi.
Qu'on en soit conscient ou non.
Mais il vaut mieux s'engager dans l'alternative en pleine conscience : savoir que notre tâche consiste maintenant à inventer un nouveau type de société.
C'est une question de survivance pour l'espèce.
Je m'arrête un moment pour me demander si je n'exagère pas, si je ne me laisse pas emporter par la rhétorique, si je ne donne pas dans un certain alarmisme, mais je ne le crois pas.
La crise de civilisation que nous traversons peut s'illustrer par une courbe : la courbe de la croissance de la population, de l'explosion démographique.
Je ne dis pas qu'on peut ramener cette crise de civilisation à la seule explosion démographique; on ne peut pas trancher la question d'une façon aussi simpliste, puisqu'il y a des régions du globe où, au contraire, la dénatalité menace la survie de certaines ethnies - au Québec par exemple - et que la qualité de la vie planétaire suppose la plus grande diversité possible. "
Il convient de faire trois remarques sur la crise dans son ensemble : • nous sommes confrontés au spectre de nombreuses technologies différentes, s'effondrant ou se développant hors de notre contrôle, presque en même temps; • les crises sont souvent plus importantes que par le passé;
• la technologie et la pollution ayant tendance à croître exponentiellement, nous ne sommes souvent avertis des problèmes que lorsqu'il ne nous reste que très peu de temps pour le traiter. " Herman KAHN.
À l'assaut du futur.
Cela dit, l'explosion démographique sur l'ensemble de notre planète constitue un des facteurs importants de la crise de civilisation.
Il suffit de considérer le nombre décroissant d'années nécessaires pour que la population augmente d'un milliard : à un moment, il a fallu 100 ans pour que la population de la planète augmente d'un milliard, c'était de 1800 à 1900; puis, il a fallu 30 ans seulement; puis 15 ans; et, plus récemment, 9 ans.
En extrapolant, on peut dire que si la croissance se poursuit au même rythme, il faudra, bientôt, cinq années seulement pour que la population augmente d'un autre milliard.
La crise que nous traversons consiste en l'explosion de notre civilisation, à l'échelle planétaire : il est possible de ramener à cette courbe à peu près tous les phénomènes de croissance que connaît la planète : par exemple, l'augmentation des besoins en énergie; ou même, si on considère la question de l'autre point de vue : la vitesse à laquelle diminuent les ressources non renouvelables de la planète; ou encore, l'augmentation de la pollution.
Les divers phénomènes, bien sûr, ne se trouvent pas tous au même point de la courbe : certains se trouvent à un point de la courbe où la croissance est plus lente.
D'autres, à un point où la croissance est plus rapide : c'est ainsi que la pollution de l'eau douce sur l'ensemble de la planète progresse un peu moins vite que la pollution du bruit dans les villes où le niveau de pollution sonore double tous les trois ans.
Il existe aussi des cas où certains phénomènes ont atteint le sommet, qui serait, dans notre échelle, l'irréversibilité : il existe, par exemple, sur notre planète, des lieux où la radioactivité est tellement élevée qu'ils sont interdits (off-limits, comme on dit) pour 25,000 ans - ce qui, à l'échelle humaine revient à dire, pour toujours...
Je pense à certains atolls du Pacifique où ont eu lieu des explosions atomiques.
Mais il y a bien d'autres exemples d'irréversibilité : de nombreuses espèces animales et végétales disparaissent chaque année, ce qui constitue un appauvrissement systématique de la vie terrestre.
Cette courbe permet d'illustrer aussi bien l'augmentation des budgets de la défense que ceux du bien-être social dans les États providence; la famine dans le monde aussi bien que les maladies causées par une alimentation trop riche dans les pays d'Occident; la consommation de tranquillisants, le nombre d'appareils de télévision devant lesquels on se branche, les actes de terrorisme, le nombre de consultations, internes ou externes, dans les services psychiatriques, le nombre de divorces ou de suicides aussi bien que l'insomnie, la solitude, la fatigue.
Il y a de cela des années, en Amérique du Nord, les autorités compétentes ont avisé les mères de notre espèce de cesser pour un temps indéterminé d'allaiter leurs enfants car leur lait était " impropre à la consommation ".
Le lait de nos mères, de nos épouses, de nos filles était pollué, condamné, interdit; et il s'en trouve pour dire qu'on exagère quand on parle de crise de civilisation...
Cette courbe me paraît comme un symbole : on devrait la reproduire comme un rappel, afin de susciter un éveil, de stimuler la recherche de nouveaux modèles de vie, individuels et collectifs, d'inspirer l'alternative.
Un modèle biologique de l'alternative Selon l'hypothèse d'un grand scientifique, il existerait un modèle biologique de l'alternative.
Autrement dit, il y aurait dans le programme de la vie, des mécanismes de régulation qui devraient nous permettre de corriger la situation explosive dans laquelle nous sommes, à la condition de les laisser opérer et, de préférence même, d'en favoriser la manifestation.
Nous devons cette théorie fascinante au célèbre biologiste Jonas SALK qui, avec ses collaborateurs, devait mettre au point dans les années 1950, un vaccin contre la poliomyélite.
Avant le vaccin SALK, il y a eu près de 60 000 morts causées par cette maladie aux États-Unis dans la seule année 1952.
Dix ans plus tard, le chiffre était tombé à moins de 100 cas par année.
C'est une des grandes victoires de la médecine moderne.
Parti de réflexions démographiques, le docteur SALK émet l'hypothèse d'une rupture de continuité dans l'histoire de l'homme : il y eut la phase A hier; il y aura la phase B demain.
Et nous sommes aujourd'hui au point critique : au point de rupture entre notre passé et notre avenir.
Le docteur SALK nous invite à considérer une autre courbe qu'on trouve aussi dans la nature : la courbe en forme de S, ou sigmoïde.
Cette courbe est aussi une courbe de croissance : elle commence comme celle qui décrit l'explosion démographique sur la planète; elle tend donc, dans un premier temps, de plus en plus vers la verticale, mais, tout à coup, dans un second temps, elle se retourne, comme si le phénomène qu'elle décrit obéissait à un mécanisme correctif, pour tendre de plus en plus vers l'horizontale.
Cette courbe sigmoïde, telle qu'on la trouve dans la nature, correspond, par exemple, à la croissance et à la stabilisation d'une population de mouches à fruits en milieu fermé : la croissance est d'abord rapide, puis elle ralentit, pour finir par atteindre un palier et se stabiliser.
Cette courbe est également observable dans les croissances de micro-organismes, cellules ou molécules.
La courbe sigmoïde reflète les opérations de contrôle et les mécanismes de régulation qui semblent associés à la survie de l'individu et de l'espèce.
Selon le docteur SALK, elle s'applique à l'espèce humaine.
Et nous serions aujourd'hui à la jonction des deux portions de la courbe, au point d'inflexion où il y a passage d'une accélération progressive à une décélération progressive.
Ce qui expliquerait la crise que nous traversons : partagés que nous sommes entre les deux tendances, entre les deux systèmes de valeurs, celui de l'accélération et celui de la décélération.
Selon SALK, le renversement des valeurs auquel nous assistons accompagne naturellement le passage de l'accélération à la décélération : les valeurs de la première portion vont dans le sens de la contrainte, de la compétition, du pouvoir; celles de la seconde portion, dans le sens de l'empire sur soi, de la coopération, des avantages mutuels.
À une étape de son évolution, l'espèce favorise les valeurs associées à la contrainte, à la compétition, au pouvoir; à une autre étape, elle favorise plutôt celles qui sont associées à l'empire sur soi, à la coopération, aux avantages mutuels.
Dans les deux cas, il s'agit toujours pour l'espèce de survivre.
Mais les facteurs de survie ne sont pas les mêmes d'une époque à l'autre.
Nous allons maintenant vers la survivance des plus sages.
Ces deux tendances, explique SALK, sont en nous : elles se réalisent plus ou moins selon le type auquel l'individu appartient; selon, aussi, les pressions qui sont exercées par le milieu.
Une culture favorise un système de valeurs plutôt que l'autre - qui est alors considéré comme marginal.
Quant à l'espèce, selon ses besoins au plan de la survivance, à un moment donné, elle favorisera un type plutôt que l'autre, une culture plutôt que l'autre, une tendance plutôt que l'autre.
Aujourd'hui, il s'agit pour l'homme de décider de coopérer ou non avec le processus; de laisser agir ou non les mécanismes de régulation; d'aller ou non dans le sens où paraît nous entraîner l'espèce, guidée par l'instinct de survivance.
Nous sommes à un tournant : il nous faut non seulement remettre en question les valeurs de la civilisation actuelle afin de nous redéfinir collectivement, mais il nous faut aussi nous redéfinir en fonction des valeurs de survie au plan individuel - favoriser en chacun de nous la naissance de l'homo sapiens.
L'alternative est, à l'étape actuelle, un fourre-tout d'idéologies contradictoires, de mouvements, de courants, de modes...
Elle recouvre aussi un certain nombre de démissions : elle sert de justification à maintes entreprises discutables.
La crise que nous traversons fait des victimes. Mais depuis les années 1960, certaines lignes de force se dégagent.
Je n'en retiens que quelques-unes.
Vivre en harmonie avec la nature " Dans le cadre du naturalisme devenu actif (...), trois idées principales s'imposent :
a) L'homme produit le milieu qui l'entoure, il est lui-même son propre produit.
b) La nature fait partie de l'histoire, les transformations de la nature et celles de l'histoire vont de pair.
c) La société n'est plus hors ou contre nature, elle est dans la nature, par la nature.
" Serge MOSCOVICI L'alternative se trouve en particulier dans la recherche d'une vie harmonieuse avec la nature, ce qui ne suppose pas un retour à la vie rurale de la fin du XIXe siècle; mais plutôt d'inventer une nouvelle façon de vivre avec/dans la nature.
Nous savons maintenant que 90 % des cancers sont provoqués et/ou favorisés par l'environnement.
Cette découverte n'est pas très populaire.
C'est une de ces informations qu'on cherche à faire disparaître sous le tapis, car elle se trouve au coeur du procès de notre société.
Ce n'est pas une question de goût, mais une question de vie ou de mort.
Il ne s'agit pas de dire : moi, je suis pour la nature...
Comme si on pouvait être contre.
On aurait préféré un ennemi plus circonscrit, qu'on aurait pu vaincre, par exemple, au moyen d'un vaccin.
Alors que l'ennemi, c'est l'environnement que nous avons créé...
C'est notre mode de vie.
Aussi bien dire que l'ennemi, c'est nous.
C'est notre progrès technologique désordonné.
C'est notre volonté troublante de conquérir la nature...
Comme si nous étions en dehors d'elle.
C'est aussi notre éducation abstraite, coupée du travail manuel, coupée de notre corps, coupée de nous-mêmes.
L'autosuffisance " ... tout se passe comme s'il s'agissait d'étendre l'institution de l'enfance à l'âge adulte. " H. DAUBER, E. VERNE Parmi les grands thèmes de l'alternative, on trouve l'autosuffisance.
Il s'agit d'une volonté d'affirmation de l'individu contre les besoins, les comportements et les concepts créés par la publicité et l'information, contre le conditionnement d'un peuple de plus en plus automatisé, uniformisé, incapable de penser par lui-même, enchaîné par des besoins créés de toutes pièces, " mais d'un peuple, nous dit le biologiste Henri LABORIT, malléable, aliénable au profit et à l'expansion, soumis, aimant cet ordre nouveau, sans vague, mais aussi sans horizon ".
Le sentiment que l'individu est incapable de faire quoi que ce soit par lui-même est de plus en plus répandu.
On donne parfois l'exemple de la médicalisation de la vie : la médecine moderne a fait de la vie un objet de soins.
On a médicalisé jusqu'à l'angoisse.
La vie est de plus en plus considérée comme une maladie : on naît et on meurt à l'hôpital.
Dans tous les domaines, il n'y a rien qu'on puisse faire désormais sans l'assistance d'un spécialiste : la sur-spécialisation des fonctions réduit les individus à la dépendance de l'enfant.
C'est contre ce processus d'infantilisation que réagit l'alternative qui préconise l'autosuffisance.
Autrefois, sur sa terre, le paysan savait tout faire.
Il devait avoir le sentiment de s'appartenir.
Il devait sentir ses racines.
Mais il n'en était sans doute pas conscient.
Comme, aujourd'hui, la plupart des gens ne sont pas conscients d'être aliénés.
Ils éprouvent seulement un malaise indéfinissable...
Comme d'être vaguement coupés d'eux-mêmes.
L'attitude post-matérialiste L'alternative se trouve aussi dans ce qu'on appelle l'attitude post-matérialiste, qui met l'accent sur les valeurs humaines plutôt que matérielles : le résultat d'un récent sondage HARRIS indique peut-être une tendance : il semble démontrer, en effet, qu'un nombre de plus en plus grand de gens en Amérique du Nord sont devenus sceptiques quant à la capacité de notre société de poursuivre sa croissance économique au rythme actuel; sceptiques aussi quant aux bénéfices que les individus sont censés retirer, à en croire les politiciens et les porte-parole des grandes coopérations, de cette croissance.
Ce que semblent indiquer les résultats de cette enquête, que l'on peut résumer ainsi :
• 76 % des gens interrogés pensent qu'il est préférable d'apprendre à tirer son plaisir d'expériences non matérielles;
• 17 % qui croient qu'il faut continuer de satisfaire les besoins par encore plus de choses (d'objets de consommation) et de services;
• 79% pensent qu'il faut apprendre à mettre l'accent sur la façon de mieux vivre tout en se contentant de l'essentiel;
• 17% qui croient qu'il faut continuer d'élever le niveau de la vie;
• 63% pensent que l'intérêt collectif serait mieux servi si on mettait l'accent sur les valeurs humaines plutôt que sur les valeurs matérielles;
• 29% qui croient qu'il faut créer de nouveaux emplois et produire encore davantage.
Des experts estiment qu'il s'agit d'une indication de ce qu'ils appellent l'attitude post-matérialiste.
Le travail sur soi Dans l'alternative, on accorde une grande importance au travail sur soi.
L'homme ne parviendra à transformer la société en profondeur que s'il parvient à se transformer lui-même.
" Le médium est le message ", dit Marshall McLUHAN, c'est-à-dire que le messager est le message.
On ne peut véhiculer que soi-même. D'où l'importance d'être centré.
L'homme qui connaît son centre, connaît le centre du monde.
Voilà peut-être l'explication de la crise que nous traversons. Nous ne savons plus où est le centre du monde.
D'où l'importance du travail sur soi : d'une démarche de l'individu vers le centre, car le centre du monde, est au centre de l'homme.
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